Une fois les épreuves d’admissibilité terminées, il faut ensuite se préparer pour la dernière ligne droite du concours d’accès à l’École nationale de la magistrature. Les épreuves orales approchent rapidement après les écrits et leur préparation est un moment décisif qui cristallise à la fois les espoirs et les appréhensions. Cette phase n’est pas un simple contrôle des connaissances, elle est aussi et surtout une évaluation de notre posture, de notre capacité de réflexion, et de notre équilibre personnel face aux exigences de la fonction judiciaire. Afin de maximiser les chances de réussite de ces épreuves, il est important de comprendre les attentes du jury.
Les oraux du concours d’accès à l’ENM ne sont pas des entretiens classiques. Ils constituent un véritable parcours d’évaluation, à la fois intellectuel, éthique et comportemental.
Pour mémoire, quatre (ou cinq) épreuves devant être préparées par les candidats :
- Une épreuve portant au choix sur le droit de l’Union Européenne, le droit international privé ou le droit administratif ;
- Une épreuve portant au choix sur le droit social ou le droit des affaires ;
- Une épreuve d’anglais ;
- Une épreuve d’entretien avec le jury (le « Grand Oral ») ;
- Une épreuve facultative de seconde langue étrangère.
Chaque épreuve a son propre coefficient, mais au-delà, c’est l’ensemble des présentations qui permet au jury d’apprécier chez les candidats leur solidité intellectuelle, leur sens de la nuance, leur aptitude à représenter la justice.
Les deux épreuves de spécialité : une occasion de se démarquer.
Le concours d’accès à l’ENM offre le choix entre deux matières juridiques à sélectionner parmi celles proposées. Ce choix peut être stratégique : il permet de valoriser ses points forts et d’orienter le jury sur des terrains que l’on maîtrise.
Mon conseil : approfondir au-delà du cours.
Le jury attend une vision argumentée, nourrie de lectures, d’actualités ou de débats contemporains. Il ne s’agit pas d’une récitation mais d’une discussion d’un niveau universitaire, dans laquelle il convient de montrer curiosité, esprit critique et capacité à structurer sa pensée. Il faut donc éviter de simplement réciter ses connaissances, ce qui implique, durant la phase de révisions, d’approfondir la matière, notamment au regard de l’actualité.
L’épreuve d’anglais : précision et aisance avant tout.
L’épreuve d’anglais est souvent négligée, à tort. Au cours de cette épreuve, on tire au sort un sujet constitué d’un texte court, qu’il faut résumer en français avant d’échanger en anglais avec le jury.
Mon conseil : viser la clarté plutôt que la perfection.
Il vaut mieux bénéficier d’un vocabulaire simple mais exact, d’une prononciation correcte et d’une argumentation fluide plutôt que d’un discours hésitant et trop ambitieux. L’objectif est de démontrer que nous serons capables de lire un document juridique ou d’interagir lors d’un déplacement à l’étranger dans le cadre de nos futures fonctions.
L’entretien avec le jury : plus qu’un entretien, un révélateur de personnalité.
Il s’agit de l’épreuve la plus redoutée mais aussi sans doute la plus déterminante. A l’issue d’un exposé portant sur une question d’actualité posée à la société française, ou sur une question de culture générale ou judiciaire, le jury interroge le candidat, à l’occasion d’une « conversation » d’une trentaine de minutes, sur son parcours, ses motivations, sa personnalité, mais également sur des mises en situations pratiques. Le rythme de l’épreuve est souvent soutenu, en ce que les questions fusent, rebondissent, s’enchaînent, explorent les réactions et convictions des candidats.
Mon conseil : être sincère, structuré et ouvert.
Il ne s’agit pas de convaincre à tout prix, mais de montrer que l’on est capable de réfléchir avec justesse, de nuancer ses propos et de reconnaître ses propres limites. L’écoute, la clarté et la capacité à prendre de la hauteur sont ici des marqueurs forts du potentiel des candidats à incarner l’autorité judiciaire.
Une préparation exigeante mais ciblée.
Réussir les oraux, c’est d’abord se connaître soi-même. Il n’est pas possible d’improviser une posture professionnelle, ni cacher ses points faibles. C’est pourquoi il est essentiel, au-delà des révisions de fond, de :
- S’entraîner à l’oral régulièrement : avec une prépa, un groupe d’amis ou seul (en s’ enregistrant par exemple) ;
- Réfléchir et construire un discours personnel : motivations, parcours, vision de la justice ;
- Suivre l’actualité et les débats juridiques, pour pouvoir rebondir intelligemment en entretien ;
- Travailler la gestion du stress et la prise de parole : le fond ne suffit pas, la forme compte tout autant !
Par ailleurs, selon moi, il n’est pas nécessaire d’attendre les résultats des épreuves d’admissibilité pour commencer à préparer les épreuves orales. Après avoir pris un temps de repos, bien mérité, il est tout à fait possible de reprendre en douceur en renforçant par exemple sa culture générale. Ces efforts ne seront pas vains, même en cas de non-admissibilité, puisqu’ils se révèleront utiles au quotidien et pourront même servir, en cas d’échec, à une nouvelle préparation du concours, voire pour d’autres concours.
Ainsi, les oraux du concours de l’ENM ne sont pas des obstacles à franchir, mais des portes à ouvrir vers un futur métier, quel qu’il soit. Ils ne visent pas la récitation, mais la démonstration d’une certaine aptitude à incarner une autorité judiciaire exigeante, humaine, réfléchie. À travers chaque épreuve, le jury ne cherche pas seulement un expert du droit, mais un professionnel en devenir, capable de juger avec rigueur et justesse. Pour cela, il est utile de se préparer sérieusement, mais sans se travestir : le jury cherche à connaître qui nous sommes, pas ce que nous prétendons être.